On ne se refait pas, dit-on, tout du moins on tente parfois de s'améliorer quand on réalise ses failles et on évolue du fait de l'expérience ou au contact des autres. La meilleure manière que j'ai trouvé de réaliser les changements et évolutions qui jalonnent ma vie a souvent été de retomber, généralement par hasard, sur quelques phrases que j'aurais pu écrire à certains moments de blues ou de mauvaises humeurs. Sûrement le meilleur moyen de ne pas perdre la mémoire que de la coucher sur le papier. Non pas pour se replonger dans de nouveaux états mélancoliques, mais pour réaliser le chemin parcouru depuis, alors qu'on a parfois le sentiment de si peu avancer.
On ne se refait pas, et depuis longtemps, quand j'ai le blues, je ressens le besoin de le matérialiser par des mots que je dépose sur le papier ou l'ordinateur, comme d'autres ont le besoin d'en parler à quelqu'un.
Tout à l'heure, je prends l'idée de regarder ce que pouvait bien être ce brouillon d'article, quelques phrases oubliées là, et je constate que ce brouillon date du 03 septembre 2008, au milieu de la nuit. Oui oui, 2008, plus d'un an qu'il dort dans le coin, que je l'avais oublié là, sans intention de le publier un jour. Ca ne serait pas le premier, et ça ne sera pas le dernier non plus.
Et puis, en le lisant, comme une gifle. Des images qui se succèdent, des phrases, des évènements, des sentiments, des émotions, des larmes, des rires, des vies en mutation.
Le voici.
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Quelqu'un qui aurait la mauvaise idée de s'immiscer toute une journée dans ma tête serait surement pris de brusques envies de vomir, en raison des nombreux tangages, des soudains changements de trajectoire, des vagues qui m'emmènent un coup très haut, pour chûter d'autant plus bas après.
En clair, je suis susceptible d'avoir une forme exceptionnelle de chanter à tue-tête, et peu de temps après, avec raisons (genre mauvaises nouvelles d'amis qui n'ont vraiment pas de bol en ce moment, problèmes d'ordre professionnel, ou autre), ou sans raisons apparentes, être au quatorzième sous-sol, douleurs au ventre et éventuellement ceinturon très serré tout autour de la taille, du moins la sensation.
Ca arrive. Trop souvent à mon goût.
Pourtant, quand je pense à cela, quand j'entends notamment ces jours-ci l'histoire d'une amie qui, on peut le dire, elle, n'a vraiment pas de bol et cumule les ennuis, quand je vois qu'elle aurait toutes les raisons possibles de faire une dépression, qu'elle semble ne se retenir qu'à un maigre fil près à céder, je réalise à quel point toutes mes questions existentielles semblent peser bien peu face à la réalité de certains, qui n'ont rien demandé mais avaient juste pris la décision apparemment la meilleure : prendre sa vie en main pour être en phase avec soi-même.
Et rien ne m'effraie plus que lorsqu'elle me dit qu'elle regrette cette décision. Oui, une frayeur, tout un monde d'idéaux enfantins qui s'écroulaient en une simple phrase jetée comme on se jette à l'eau, mais dans l'intention de ne plus en remonter jamais.
On se révolte, on dit "ça passera", on se dit que ce n'est qu'une mauvaise période à passer, qu'elle reviendra bien vite à de meilleures pensées, et que soi-même on y reviendra par la même occasion. On essaye de convaincre, mais on ne sait plus si, finalement, ce n'est pas soi qu'on essaye de convaincre, dans une tentative désespérée de croire encore à ses dernières utopies. Heureusement, on se convainc toujours un peu, un petit peu, parce qu'on est incorrigible au fond. Mais on ne se convainc plus suffisamment pour ne serait-ce que tenter de persuader une tierce personne. Parce que ce qui n'était pas là, l'est à présent : le doute. Même ici il trouve sa place. Il n'a plus de frontière.
Et donc voilà : on a beau savoir qu'il y a pire ailleurs, que ses petits problèmes n'ont rien qui valent le coup qu'on se prenne la tête pour eux, ça ne réconforte pas, loin de là. Au mieux ça permet de moins s'apesantir sur soi-même. Au pire on finit par faire un grand mélange de tous les maux qu'on entend à droite et à gauche, et ils ne font que s'ajouter à ses propres maux.
Je crois qu'au tout début de ce billet, ce n'était pas de cela dont je voulais parler en fait.
Il y a des choses qui nous poursuivent, et qui finissent par nous rattraper. Et puis même qui nous dépassent d'ailleurs. Je crois que je vais les laisser me dépasser, prendre de l'avance même. Et moi j'avancerai à mon rythme. De toute façon, j'ai toujours été lente.
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L'amie ne regrette plus. Au contraire, ce qui lui semblait insurmontable à l'époque lui semble si facile et si évident aujourd'hui, pour arriver où elle en est, pour trouver le bonheur actuel, toujours émaillé d'embuches, mais avec la force et la volonté de les affronter.
Une autre a pris sa place face au mur, si large et si haut qu'il lui semble infranchissable, incontournable, avec le sentiment de ne jamais en être capable un jour. D'autres le font? Mais ce n'est jamais la même chose, ce n'est jamais la même situation, jamais les mêmes doutes, pense-t-elle.
Pour la première, quand elle se retourne, elle ne voit plus qu'un mur bien moins haut qu'autrefois, un mur certes à escalader en ne sachant pas trop où mettre les pieds, mais qui ne semble plus si effrayant, si insurmontable, et surtout qui vaut le coup d'être franchi.
Pour la seconde, le mur semble immense, toucher le ciel, donner le vertige, manquer d'aspérités pour s'y accrocher et le franchir, au point qu'elle doute d'avoir le courage un jour d'en commencer l'ascension.
Et puis il y a moi qui les écoute, qui suis leurs vies, y joue un rôle, ou pas. Ou plutôt si, quand même, j'en ai la prétention. Il y a moi qui sais maintenant que c'est possible, que ça peut valoir le coup, mais qui connais aussi la difficulté, parce qu'on me la dîte, et ne saurais la nier. Il y a moi qui ne trouve juste pas les mots...