3 juillet 2008
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13:08
Putain d'humeur. C'est toujours pareil : le soir, j'ai comme un poids sur la poitrine, un truc qui passe pas. ça pourrait être un poids sur l'estomac, un truc avalé qui se refuse à être digéré. Mais non, ça ne se passe pas dans l'estomac. Il y a bien un truc que je ne digère pas, mais il est fait d'une autre matière. Et pourtant, s'il existait une balance pour en déterminer le poids, on se rendrait alors compte de la masse qu'il représente. Mais non, pas de balance de ce type, alors du coup, il apparaît comme irréel. Pourtant il est bien là, sait toujours se rappeler à moi.
J'essaye de m'endormir malgré sa présence. Mais c'est un parasite. Il me souffle à l'oreille des mots, des pensées que je préfèrerais éviter. Il me rappelle des existences, une existence dont je pensais avoir réussi à replacer à sa juste place. Mais cette juste place, il ne semble pas finalement qu'elle l'ait trouvée. Elle essaye d'en prendre une autre, du moins dans mon esprit fatigué, et donc affaibli. Je rumine, imagine, alors qu'il faudrait surtout ne pas imaginer, surtout pas, puisque tout déjà a été imaginé, et puisque j'ai déjà fait l'expérience de la douleur à imaginer en vain.
Au milieu de ce chaos un poil enfiévré, je me dis "ça ira mieux demain", je me persuade qu'au réveil, tout sera différent, "tout" étant mon humeur, que ce poids se sera envolé sur les aîles de la nuit. J'y crois. ça marche, parfois.
Et puis là, non, rien à faire. Il est toujours là, toujours avec son air si bête. Ridicule. Il est si ridicule à me poursuivre depuis plusieurs jours, alors que je l'avais chassé. Je l'avais mis dehors. Du moins le croyais-je. Il avait fallu du temps. Il s'était abattu sur moi en début d'année, sans crier gare. Il était bien plus lourd que tout ce que j'avais connu. Je ne savais pas qu'il pouvait être si lourd. Il avait été brutal. Je ne le connaissais pas encore, à la vérité, celui dont on donne des noms comme chagrin d'amour. Il m'avait eu par surprise, celui qui réduit à néant tout ce qui apparaissait comme si difficile, mais si beau à la fois, celui qui semble réduire à néant tant d'espérances. Et puis on apprend, on comprend, mais on le savait déjà, qu'on avait mal placé ses espoirs, qu'ils étaient là, réels, qu'il fallait en faire quelque chose, sinon on craignait qu'ils ne dépérissent, et ne meurent, alors ils s'étaient accrochés comme des sangsues à cette idée, à cette pensée d'un pourquoi pas. Ils avaient balayé un à un les les évidences d'un impossible. Trop facile de me faire croire que tout est possible.
La raison avait repris ses droits, avec beaucoup de temps, à grand renfort de claques. Il avait bien fallu ça. Se raisonner, encore et encore. Se rendre, pieds et poings liés, devant cette putain de raison. Lui faire la part belle. Lui céder. Et ce n'est jamais agréable de céder.
Et voilà, quand on croit être guérie, quand on croit avoir cicatrisé, voilà que ça recommence, voilà qu'elle se rappelle à moi, seule, avec elle-aussi son poids de solitude. Et de peur surement aussi. Moins naïve, mais plus désbusée, dit-elle. Déjà ça, ça fait mal. Alors moi je suis là, comme une promesse tacite. Fidèle au poste. Mais si loin. Les évidences sont toujours là. La raison souffle toujours les mêmes mots, plus fort encore. Elle crie, elle s'égosille même. Je l'entends. J'ouvre grand mes oreilles pour n'en point rater un seul mot. Mieux : je me les répète, encore et encore, je les apprends par coeur. Cela tombe bien, puisque tout semble passer par là.
Et pourtant ce poids.