J'aime pas la chasse. Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais j'aime pas la chasse. C'est dans mes gênes, c'est dans mon sang, c'est comme ça. Pas besoin de l'expliquer, pas besoin de le developper, je ne comprends juste pas qu'on puisse aimer tuer des êtres vivants, et surtout le faire pour son plaisir. On me répondra que la façon dont on tue les bêtes dans les abattoires n'a rien à envier à la chasse. Soit, mais comme d'habitude on mélange tout ("oui, j'ai fait ça mais lui il a fait pire", on se croirait dans une cours d'école) et cela pourrait faire l'objet d'un autre article. Et malgré toute l'horreur de ces gens qui font commerce du sang des bêtes sans n'avoir pour eux aucun égard, il n'en reste pas moins que la chasse demeure, à mes yeux, une pure course poursuite dont le but ultime est la mort de l'animal et la satisfaction qu'en tirera son meurtrier. Respect de la faune, amour de la nature, et tutti quanti, ce n'est pour moi que du discours pour se convaincre soi-même.
Mais comme tout le monde, du moins à la campagne, je connais des chasseurs. Tiens, mon voisin par exemple : il a l'air sympa, souriant, drôle, mais il n'en demeure pas moins un chasseur. Oh, je ne suis pas du genre à me jeter sur lui en l'accusant d'être un assassin sans coeur qui trouve sa jouissance dans le fait d'enfoncer ses mains dans les entrailles d'un sanglier! Non, je ne suis pas comme ça. Au mieux, si le sujet venait à se poser entre nous, je n'hésiterais pas à faire savoir que je ne suis pas adepte de ce genre de chose, et que je ne comprends pas quel "plaisir" on peut en tirer. Oui, vous pourriez aussi dire que je suis lâche, c'est comme vous voulez. Mais si je devais me facher avec tous les chasseurs de la région, ça ferait beaucoup de monde et je tiens à ma peau, ils sont tout de même armés.
J'ai connu aussi un autre chasseur. Quelqu'un avec qui je travaillais, un homme d'une gentillesse incroyable et en apparence doux comme un agneau. Le jour où j'ai appris qu'il était chasseur, je suis restée coite (oui, ça se dit comme ça). "Vous? Chasseur? Nooon!!!" Et puis en discutant, il a reconnu que s'il tuait un lièvre dans l'année, c'était déjà beaucoup, et que son plaisir consistait surtout dans le fait d'observer les animaux et la nature. Ah, je préfère!
Pourquoi je vous parle de tout ça? Parce que cet après-midi, alors que je promenais le chien de ma frangine, ce ne furent qu'aboiements de chiens de chasse. Et puis autre chose retint mon attention, un autre bruit qui se faisait de plus en plus net au fur du chemin. Un son encore plus désagréable : les pleurs apeurés d'un chiot. Finalement nous arrivons à l'endroit où se garent a priori bon nombre de chasseurs et découvrons le véhicule de l'un d'eux, un pick-up, dégageant une odeur pestilentielle (je vous jure, une porcherie!) et un petit chien attaché à l'arrière du véhicule, sur lequel était installée une de ces cages prévues pour transporter ces chiens. A l'intérieur, sont disposées plusieurs attaches, très courtes, à laquelle de l'une d'elle était attaché le chiot qui, de ce fait, avait une marge de manoeuvre plutôt faible. La seule qu'il avait, à vrai dire, et qu'il avait mis en pratique, consistait à sortir de la cage par l'espace qu'il restait, et rester figé le long de celle-ci, c'est-à dire sur une toute petite surface. Il pleurait, chougnait, gémissait de toutes ces forces, et tremblait de tout son corps, le tout toujours dans cette puanteur inqualifiable. Je m'approche, prudemment, réalise qu'il est attaché, et doucement tends la main vers lui. Les présentations faites, je le caresse, le cajole, jetant aux alentours un regard en quête de l'hypothétique propriétaire du véhicule. Je reste un bon moment (malgré l'odeur... dommage que je ne puisse vous en fournir un échantillon... enfin, dommage... pas pour vous), il ne pleure plus. Je ne sais pas trop quoi faire à vrai dire. Je décide que je ne peux pas grand chose, à part continuer plus loin en espérant tomber sur lui et lui signaler la chose, à savoir son chien en fort mauvaise posture et tremblant de froid et de peur. Dès que j'enlève ma main, le chiot se remet lentement à geindre. Je m'éloigne. Quand je repasse quelques minutes plus tard, il est retourné dans la cage et semble moins apeuré. Je ne m'attarde pas trop vers lui : l'odeur la crainte de trop m'attacher et qu'il ne se remette encore à pousser ses petits cris aigus de chiot en me voyant m'éloigner.
Et j'entends derrière moi quelques gémissements qui résonnent dans la forêt, bientôt couverts à nouveau par les aboiements de ses aînés...
Chienne de vie.