Hier soir, j'ai vécu un phénomène bizarre qui s'était déjà produit auparavant, mais jamais je crois à cette intensité. Arrivée à la fin de ma lecture pour la soirée, je fais ce que je fais souvent : je regarde le nombre de pages qu'il me reste avant la fin du bouquin. C'est une habitude idiote et sans intention. Je ne l'explique pas. Le fait est que le livre en question est long, très épais, et que si je le trouve ... (je vous dirai toutes les bonnes choses que j'en pense ultérieurement), au bout de quelques semaines, on ressent aussi le besoin de passer à autre chose, il y a tant de livres que je ne lirai pas!!!
Je savais bien sûr que j'arrivais au bout du bout. Et pourtant, lorsque j'ai réalisé qu'il me restait très exactement 15 pages avant de refermer définitivement (quel mot atroce, et surement faux) l'ouvrage, j'ai ressenti, et je vous assure que je n'exagère pas, j'ai ressenti un sentiment d'effroi, oui oui, d'effroi. Une frayeur comme lorsque l'on se retrouve au bord d'une falaise, au bord du vide, comme s'il ne pouvait plus rien y avoir après ce livre, comme s'il n'y avait plus rien à lire, comme si tout avait été dit. Il me sembla d'un coup que j'aurais pu le continuer pendant encore plusieurs semaines, voire même peut-être plusieurs mois.
Bien sûr, il n'y a pas que la qualité du livre qui peut expliquer cela, même si elle en est la raison essentielle. Il y a aussi le fait qu'il s'agit d'un cadeau, et que ce livre m'a portée pendant plusieurs semaines. On ne se détache pas si facilement d'un tel compagnon. Je peux associer chaque livre à une période de ma vie, à des événements, voire même à des non-événements, à des lieux, à des attentes, à des couleurs, des odeurs... Et peut-être celui-ci plus que tout autre restera lié pour toujours à ces quelques semaines d'une teneur particulière à mes yeux. Il en sera lié, et en est en même temps le reflet par le chaos que j'y ai lu. La peur que j'ai ressenti est forcément liée à cela : comme le personnage principal se libère à la fin de tout ce qui a précédé, cette même fin me semble correspondre pour moi à un virage dans ma vie. J'analyse (attention danger : auto-analyse) donc cette peur comme n'étant pas celle de la fin du livre, mais la peur du virage qu'il me faut prendre dans la réalité. Hum hum hum... profond, non?
Il demeure que le prochain livre que je lirai aura une lourde tâche : celle de m'accompagner dans ce tournant, et celle d'être à la hauteur des chevilles du précédent... Il a déjà toute ma compassion pour le difficile rôle que je lui donne.
Je n'en ai pas fini avec ce livre : il me reste ces fameuses 15 pages, dont je savourerai chaque mot, chaque virgule, et je reviendrai en parler ici, sans quoi ce blog ne servirait définitivement à rien.
De quel livre je parle? Celui dans lequel il est écrit les phrases suivantes:
« Je répondis en écoutant ce que j'allais dire, pour découvrir ce que je pensais ».
« Tu ne peux tout bonnement pas devenir sage, mûr, etc, si pendant une trentaine d'années tu n'as pas été un cannibale frénétique ».
« Elle se retrouva étouffée dans une sensation qui, lorsqu'elle l'analysa, se révéla être la solitude – comme si elle eut été séparée des autres gens [...] par un vide émotionnel ».
Cela vous dit quelque chose? Non, vraiment rien? Alors patience...
« Un bon livre, c'est un livre qui te fait mal quand tu le refermes. »
[Anonyme]